Cela fait déjà 3 jours que j’ai quitté ma ville natale pour Fairview. On ne peut pas vraiment dire que le Texas me manque, mais l’univers qui se dégage de cette ville est très différente de ce que j’ai connu. Je ne sais pas pourquoi ma maman s’active à me mettre sur mon 31, elle dit que c’est très important. « C’est pour la fête de voisinage, il faut faire bonne figure pour notre arrivée ». Moi je trouve qu’avec mon short et mon T-shirt je fais déjà bonne figure mais non, il a fallut que j’enfile un costume trop grand pour moi. Nous voilà tous prêt. Mes parents, mon grand frère…et moi qui me tient à l’arrière, caché par les fines jambes de ma mère qui se hâte. Je ne suis pas vraiment à l’aise, mais je me contente de suivre la famille en regardant d’un air méfiant tous ceux qui sont déjà présent. Du haut de mes 4 ans et demi, je suis déjà très timide. A peine arrivés au centre du parc, quelques personnes viennent à notre rencontre et j’en profite pour courir me cacher sous une des tables, attrapant par la même occasion un beignet. « Trouvé ! » Je regarde avec de grands yeux la blondinette se trouvant devant moi. Elle sourit devant mon air ahurit puis me touche l’épaule en criant « chat ! C’est toi le chat !! » avant de se mettre à rire avec son rire cristallin. Mais elle s’arrête et reste interdite devant mon manque de réaction. « Moi c’est Cherry » Je regarde à droite, puis à gauche pour finalement revenir sur la petite fille. « Heu…Clyde ».A peine le temps de finir les présentations qu’une petite brune arrive à quatre-patte, sous la table, pour rejoindre son amie probablement. « Pourquoi tu t’habilles comme un pingouin ? C’est qui ta maman ? Tu peux me donner un peu de ton beignet ? » Toujours aussi perdu, je lui tendis ma pâtisserie, que je n’avais même pas eu le temps de gouter. « Moi c’est Emerson mais tu peux dire Emy hein. Toi c’est Clyde j’ai entendu. » Qu’est ce qu’elle parle, j’pense d’ailleurs qu’elle le fait pour deux, pas besoin de répondre. J’ouvre alors le petit livre que j’avais pris avec moi, et me cache derrière. « T’es muet ? » L’occasion est trop bonne pour ne pas tenter le coup. Je fais donc oui de la tête et Emy me tape le crâne avec mon propre bouquin. « Aie ! » « Tu vois que tu sais parler. Allez viens avec nous ! » Sans vraiment me laisser le choix, elles m’attrapent chacune une main et me traine dans le parc.

« Qu’est ce que tu fiches encore là microbe ? T’as pas un p’tit mec à aller draguer ? » Je lève les yeux au ciel devant la remarque puéril de mon grand frère. Mon dieu, qu’est ce que j’ai fais pour mériter un frangin aussi bête. James est la définition de la crétinerie, d’ailleurs je pense qu’on devrait mettre son nom dans le dictionnaire pour illustrer tout les synonymes de ce mot, et ce serait très clair. Depuis notre plus jeune âge, nous sommes incapables de nous entendre. Nos caractères trop opposés nous empêchent de trouver un seul point commun, je me demande même parfois si nous sommes vraiment de la même famille. « Alors, la rumeur dit que tu es gay. Ca ne m’étonne pas en même temps. Mais faut dire que ça m’arrange, ça me laisse champs libre avec Cherry » A peine a-t-il prononcé son nom que je me lève de ma chaise et me plante devant lui. Mes poings se contractent malgré moi et son sourire s’élargit de plus belle. « Je savais » « Et tu sais quoi au juste ? » « Que t’en pinces pour la blonde » « Elle s’appelle Cherry » « Ça change rien puisque tu l’aura pas.. Tu crois que tu l’impressionnes avec tes bouquins ? Tu la regardes comme un pauvre type en manque d’amour, c’est pathétique tu sais ? J’dis ça pour toi hein, faudrait pas que tu te fasses trop d’espoirs, t’es déjà assez chiant comme ça. Si en plus tu devenais déprimé, j’imagine pas ». Touché, je baisse les yeux. Il n’a sûrement pas tord, je ne suis pas du genre à faire tomber les filles comme des feuilles sur mon passage. Ca, c’est le style de James, le bad boy de ses dames, aussi intelligent que ses pieds mais assez sûr de lui pour que ça passe. Pourtant le souvenir de la semaine passée revient à moi. Les vacances avec Cherry et Emy, cette fameuse nuit autour du feu, et le baiser avec la demoiselle qui détient mon cœur en otage depuis quelques mois déjà. On en a pas reparlé, je n’ose pas aborder le sujet et je crois que pour elle c’était juste « comme ça »…

« J’ai une bonne nouvelle pour toi microbe » Même la mauvaise humeur de mon frère ne peut pas me toucher ce matin. Pour la première fois de ma vie, j’ai l’impression d’avoir une longueur d’avance sur James. 23 ans, professeur de littérature, un chien, une jolie maison et la plus magnifique femme du monde pour fiancée. Je suis comblé, Juliet est parfaite, ma vie me semble parfaite tout simplement. Le petit timide prend finalement sa revanche, j’ai l’impression d’avoir tout réussit. Il peut me faire toutes les crasses qui lui vienne à l’esprit, il peut essayer de me pourrir la journée, jamais il ne pourra enlever de mon visage ce grand sourire. Mes parents n’ont pas l’habitude de me voir si joyeux, mais aujourd’hui est un grand jour. En plus d’avoir demandé en fiançailles Juliet, nous venons d’acheter notre propre maison sur Water Lane. « Je sors avec Cherry ». Malgré toute la bonne volonté du monde, mon visage se décompose. Ca ne devrait pas me poser problème, la femme de ma vie c’est Juliet, un point c’est tout. Mais le doute persiste, il y a toujours cette pointe de jalousie quand quelqu’un s’approche trop de ma Cherry. « Tant mieux pour toi, James, t’as finalement eu ce que tu voulais » « Non, j’ai finalement eu ce que TU voulais » Bravo, il a finalement réussit me la gâcher, cette si belle journée…