□ every other week-end.
On cogne à la porte. Pas déjà, me dis-je tout bas. Ça a passé beaucoup trop vite. Je termine rapidement la page que je lisais à Amy avant que Ryan ne vienne nous interrompre. Je referme le livre aux pages colorées puis me lève. Je ne le laisse pas paraître, mais je suis déçue qu’il soit déjà là, probablement impatient d’avoir sa fille dans ses bras. On a le même arrangement depuis sa naissance, ou presque, et je sais très bien qu’Amy a besoin de son père, et vice versa, mais toutes les fois que Ryan vient la chercher, c'est la même chose. Ça me renverse. C’est comme s’il prenait en même temps un bout de mon cœur, m’arrachant une partie de moi. C'est difficile de la laisser partir, et même si je sais que je la reverrai bien vite, c'est toujours aussi déchirant. Ce serait me mentir que de dire que je n’apprécie pas le temps de répit que ça me laisse - s'occuper d'Amy requière toute mon attention, mon temps, ainsi que mon énergie, me laissant plus souvent qu'autre chose complètement épuisée, mais c'est le prix à payer et je n'échangerais ce mode de vie pour rien au monde. Mon temps avec Amy est précieux et j'ai beau apprécier le répit, je préfère encore l'avoir avec moi. C'est égoïste, mais j'aimerais qu'elle reste avec moi, tout le temps. Si je le pouvais, je la garderais jalousement pour moi toute seule. Mais elle a besoin de son papa.
Avec Amy dans les bras, installée sur l'une de mes hanches, serrée contre moi, je me dirige sans presse vers la porte. Tout en déposant un baiser sur sa tempe, j'hume ses petits cheveux blonds, en lui murmurant à l'oreille que papa est là. Devant Amy, jamais je ne laisse paraître que la relation entre Ryan et moi est houleuse, chaotique et loin d'être saine. Elle est, certes, trop jeune pour comprendre, mais je fais mon possible pour ne pas laisser transparaître l'hostilité entre Ryan et moi. Après tout, il est son père, et je veux le mieux pour elle. Dans le meilleur des mondes, elle aurait son papa et sa maman, tous les jours, dans la même maison. Mais parfois, les choses sont beaucoup plus compliquées. Je ne le dirai jamais, mais je suis reconnaissante que Ryan ait accepté ses responsabilités envers Amy. Au moins, elle a un papa qui, même s’il m’insupporte par tous les moyens imaginables, semble traiter notre fille comme une princesse. C’est tout ce qui m’importe. J’ouvre la porte, espérant que ça ne soit pas lui. Mais il est là, à nous regarder toutes les deux. Je serre Amy un peu plus, inconsciemment, et je tente un sourire à l’égard de mon collègue. "Entres quelques secondes.", je le lui propose banalement, comme à toutes les fois. C'est davantage par politesse que par envie. Ou peut-être un peu des deux, ça dépend des jours, de mon humeur. Je lui cède le passage en déplaçant Amy sur mon autre hanche, qui se frotte les yeux de ses deux poings. "Elle est un peu bougonne, elle n’a pas bien dormi cet après-midi. -- Tu vas bien?" Je passe une main rassurante dans les cheveux de notre fille. Nos conversations ne concernent généralement qu’Amy. Je demande s’il va bien, mais c’est encore une fois pour être polie. Si ce n’était pas si compliqué, peut-être que je m’en soucierais réellement. Je sais qu’il n’attend qu’une chose, que je lui tende Amy, que je lui donne son sac, pour qu’il puisse partir avec elle. Si seulement je pouvais repousser ce moment.